Vous
constaterez, en parcourant les pages de ses mémoires, que Henri
Arsenault était d’abord un homme de son temps. Né au début du 20ième
siècle, il a grandi et vécu dans un Québec de la grande noirceur,
avec en toile de fond, la grippe espagnole, la grande dépression et
deux guerres mondiales.
C’était
une époque où le rôle de l’homme, du mari et du père était
essentiellement celui du pourvoyeur, qui devait voir au bien-être de
sa famille. Henri Arsenault, bien qu’il ait été toute sa vie,
affligé par une santé fragile, malgré ses études écourtées et
ses origines modestes, a parfaitement réussi dans ce rôle, et ses
mémoires sont un témoignage de la fierté qu’il en éprouvait. Henri
semble avoir marqué tous ceux qu’il a côtoyés. Il était une
véritable force de la nature, sûr de lui et de ses valeurs.
Pour ma
part, j’ai connu mon grand-père, comme tous ses petits-enfants, au
moment où il était déjà à la retraite. Sa plus grande qualité,
comme grand-père, était d’être un conteur né. Ses histoires
sont célèbres dans la famille. Qu’il s’agisse de Victor La Mort (Delamarre),
Alexis Le trotteur ou Joe Pedneault, les personnages qu’il mettait
en scène dans des histoires où l’on arrivait difficilement à
distinguer le faux du vrai, ont meublé largement mon imaginaire
d’enfant. Des histoires qui étaient d’autant plus captivantes,
qu’elles regorgeaient d’expressions colorées, d’objets
mystérieux et de phénomènes inexpliqués.
Il y avait les «apaches en redingotes » et celui dont le travail consistait à «tirer sur la pelle à steam», l’autre qui portait des souliers «en cuir patent », ou celui encore qui avait «la face comme une forçure » et dont les dessous de bras sentaient comme «le manche de candoë ». Au baseball, mon grand-père jouait à la position «d’arrêt-long » et lançait une «split ball » dont lui seul avait le secret.

Le souvenir le plus vivant qu’il me reste de mon grand-père est celui où il nous faisait lecture, chez lui, quand mes parents, mon frère et moi lui rendions visite, de ses mémoires qu’il avait intitulées: né pour être gérant. Je ne me doutais pas, à l’époque, que je m’imposerais la tâche, d’éditer ses mémoires plus de quinze ans plus tard. Je ne soupçonnais pas davantage la somme de travail que cela représentait.
Henri Arsenault maîtrisait très bien la tradition orale. Tous étaient suspendus à ses lèvres lorsqu’il racontait une histoire. Cependant, comme il le dit lui-même dans ses mémoires, il n’était pas “très fort en français”. Il a donc fallu revoir le texte en entier, orthographe, grammaire et syntaxe, lui donner une certaine chronologie, et en uniformiser le style. Tout ceci s’est fait, cependant, avec un constant souci de s’éloigner le moins possible, du texte original.
Je crois donc pouvoir dire sans me tromper, qu’à la lecture de ses mémoires, les uns retrouveront et les autres découvriront, l’esprit et la personnalité de Henri Arsenault. Par ailleurs, plusieurs, comme moi, y liront des mots qu’ils ne l’avaient jamais entendu prononcer; des mots qui trahissent une sensibilité et une fragilité, que son assurance et sa forte personnalité ont toujours masquées.
Voici donc Henri Arsenault, et le plus précieux des biens qu’un homme puisse laisser en héritage à sa descendance; la mémoire. Lire la suite...
Il y avait les «apaches en redingotes » et celui dont le travail consistait à «tirer sur la pelle à steam», l’autre qui portait des souliers «en cuir patent », ou celui encore qui avait «la face comme une forçure » et dont les dessous de bras sentaient comme «le manche de candoë ». Au baseball, mon grand-père jouait à la position «d’arrêt-long » et lançait une «split ball » dont lui seul avait le secret.
Le souvenir le plus vivant qu’il me reste de mon grand-père est celui où il nous faisait lecture, chez lui, quand mes parents, mon frère et moi lui rendions visite, de ses mémoires qu’il avait intitulées: né pour être gérant. Je ne me doutais pas, à l’époque, que je m’imposerais la tâche, d’éditer ses mémoires plus de quinze ans plus tard. Je ne soupçonnais pas davantage la somme de travail que cela représentait.
Henri Arsenault maîtrisait très bien la tradition orale. Tous étaient suspendus à ses lèvres lorsqu’il racontait une histoire. Cependant, comme il le dit lui-même dans ses mémoires, il n’était pas “très fort en français”. Il a donc fallu revoir le texte en entier, orthographe, grammaire et syntaxe, lui donner une certaine chronologie, et en uniformiser le style. Tout ceci s’est fait, cependant, avec un constant souci de s’éloigner le moins possible, du texte original.
Je crois donc pouvoir dire sans me tromper, qu’à la lecture de ses mémoires, les uns retrouveront et les autres découvriront, l’esprit et la personnalité de Henri Arsenault. Par ailleurs, plusieurs, comme moi, y liront des mots qu’ils ne l’avaient jamais entendu prononcer; des mots qui trahissent une sensibilité et une fragilité, que son assurance et sa forte personnalité ont toujours masquées.
Voici donc Henri Arsenault, et le plus précieux des biens qu’un homme puisse laisser en héritage à sa descendance; la mémoire. Lire la suite...